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03/02/2009

Ratée

Peut-on rater sa vie?


Voila une question que je me pose à la suite d'évènements personnels, ou plutôt concernant une personne qui m'est proche.

On pourrait dire que ça dépend de l'objectif qu'on se donne. Celui ou celle qui s'est donné pour objectif de "réussir" quelle que soit la réussite qu'il/elle vise, s'il/elle n'est pas parvenu/e à cet objectif, peut se dire: "j'ai raté ma vie".

Moi, personnellement, je dis: "non personne ne rate sa vie". Elle ne correspondra pas forcément à ce qu'on n'en avait espéré, mais elle n'est pas pour autant ratée. Il suffit de regarder ce qui s'est passé tout le long d'une vie et il y a forcément quelque chose de positif.

Le/la célibataire qui n'a pas eu d'enfant, donc qui ne s'est pas perpétué, mais qui a travaillé, même dans un boulot subalterne et peu intéressant a fait quelque chose de sa vie. Rien n'est jamais complètement négatif ou inutile dans une vie.

Je pense à la vieille dame qui était ma voisine lorsque j'étais enfant. Voila une vie que l'on pourrait dire inutile. Elle n'a jamais travaillé, elle n'a pas eu d'enfant, elle ne s'occupait même pas vraiment bien de son mari. Mais elle a été notre voisine par exemple et je me souviens encore d'elle. Même s'il ne reste que ça de sa vie, il reste quand même ça: des souvenirs d'enfance pour moi et mes soeurs. Il y a sûrement autre chose, je ne l'ai connu qu'à la fin de sa vie, mais même s'il n'y avait rien d'autre, il reste quand même ça.

Si je regarde ma propre vie, je me dis que je n'ai pas atteints les objectifs que j'avais dans ma jeunesse. Je voulais vivre de mon art, de ma peinture, de mes dessins. Ca n'est pas arrivé. Mais j'ai fait autre chose. Je me suis mariée, j'ai eu un enfant, j'ai peint, dessiné et ces dessins/peintures resteront, même si je n'en ais pas vendu.

J'ai été quelqu'un d'important pour un certain nombre de gens pendant des périodes plus ou moins longues de ma/leur vie. J'ai travaillé aussi, j'ai produit un certain nombre de richesses, rendu un certain nombre de services.

Oui, j'ai réussi ma vie. Et je voudrais dire à cette personne à laquelle je pense: toi aussi, tu as réussi la tienne et mieux encore que moi.

 

Commentaires

Merci pour ce billet qui a toute mon adhésion !
Je me dis parfois que je suis en train de passer à coté de ma vie, ce qui est juste une autre formulation pour "rater". Mais si je regarde "à coté", il n'y a rien, car je suis là, ici, maintenant et "raté", "réussi", ce ne sont que des pensées, pas le réel.
Je crois que l'on a ce sentiment de ratage si on se sent des forces, des talents et que la peur empêche d'oser les vivre. J'essaie de me pardonner mes peurs, plutôt que de m'en rendre coupable, car il me semble que c'est un meilleur moyen de les vaincre, à mon rythme, lent, mais ferme.

Écrit par : ardalia | 03/02/2009

Ah ben non, je ne suis pas d'accord... On en a déjà parlé, plusieurs fois. Une vie au cours de laquelle on n'a pas pu réaliser ce que l'on aurait dû réaliser, c'est une vie gâchée, ratée. On peut avoir été de bons parents, de bons conjoints, de bons professionnels, de bons amis, de bons tout. Si on n'a pas été ce que nous aurions dû être, je regrette, mais c'est raté. Ce qui ne veut pas dire que tout est négatif dans cette vie-là. Mais c'est raté.

Tu avais posé cette question dans un de tes précédents billets (auquel je n'avais pas répondu, pour cause de longue période où je me dis que bof, de toute façon à quoi bon) : tu te demandais "Et si je reprenais mes études ?" Bien sûr, j'ai répondu "oui" de toutes mes forces, même si je ne l'ai pas écrit. Pour te sentir encore capable d'apprendre, d'évoluer, de grandir. Mais ça, ce n'est pas une fin en soi. Le but, quand on grandit, quand on acquiert de nouvelles compétences, quand on se découvre de nouvelles ressources, c'est de les partager, de les exploiter. Et si on ne le fait pas, si on constate qu'on a tant engrangé pour ne rien restituer, c'est qu'on a tout raté. Que ce soit dans le domaine professionnel, familial, artistique, qu'importe. Si on regarde derrière soi pour ne voir que le gâchis, si ce n'est pas raté, c'est quoi ?

Tu évoques les buts que nous nous étions fixés, les objectifs que nous avions choisi. Je n'évalue pas le ratage à cette aune-là. On peut avoir rêvé d'être vétérinaire ou chef d'orchestre et ne jamais y parvenir, ce n'est finalement pas très grave, sauf si l'on a la conviction d'être né pour ça. On peut avoir passé sa vie à exercer un métier sans intérêt, loin, très loin de nos aspirations premières, et cependant être épanoui, parce que d'une façon ou d'une autre on a le sentiment d'avoir occupé la place qui était la nôtre. On peut avoir enduré les douleurs, ruminé les déceptions, sans pour autant avoir le sentiment d'être passé à côté de l'essentiel. Une vie ratée, c'est celle que l'on aurait dû vivre, parce qu'on le pouvait, et qui nous a échappé. Si l'on n'aime pas sa vie, si on ne la considère qu'avec tristesse et amertume, comment peut-on penser qu'elle a été utile ? Elle a pu être remplie, parfois heureuse, certainement réussie selon certains critères, mais le goût infect de l'échec, s'il est plus fort que le reste, c'est quand même le goût du ratage.

Je ne suis pas d'accord non plus avec Ardalia qui dit que ce sont nos peurs qui nous empêchent de nous réaliser. Ce discours selon lequel nous sommes les seuls pilotes de nos vies, que nous sommes seuls responsables de ce que nous devenons, je le tenais aussi il y a dix ans. C'est un discours trop simpliste. On prend sa vie en main, si on veut on peut, tout ce qui ne nous tue pas nous rend plus fort, etc... Je sais bien qu'Ardalia n'a pas voulu être aussi caricaturale, et que je force le trait. Que nos peurs, en partie, nous musellent et nous entravent, certes. Elles nous font aussi avancer. Et surtout, même si nous pouvons maîtriser nos peurs, nous ne pouvons pas toujours contrôler tout le reste : les autres, la société dans laquelle nous devons vivre, les événements que nous subissons sans les avoir provoqués. Une vie réussie l'est probablement grâce au talent, à la pugnacité ; elle l'est aussi certainement grâce à une certaine aptitude au bonheur. Elle l'est indubitablement grâce à un zeste de chance. Une vie ratée, à quoi ça tient ? Malgré la volonté ? Voire le talent ? À des peurs que l'on n'a pas su dépasser, oui, peut-être. À la poisse, aussi. Au monde qui nous entoure, à une tuile qui vient tout fracasser, à pas grand chose probablement. Mais ça tient assurément au temps qui reste pour avoir envie de recommencer. Si le temps qui reste est devenu insuffisant, c'est raté, gâché, foutu, et on a fait tout ça pour rien.

Bon. J'essaierai d'être plus marrante la prochaine fois.

Écrit par : DBardel | 03/02/2009

Dominique: tu peux ne pas être d'accord, c'est ton droit le plus strict. Et dans un sens, tu as raison aussi. Ne pas pouvoir utiliser son talent pleinement (pour toutes sortes de raisons), on pourrait dire qu'on a raté sa vie.

Mais à nouveau, je dirais, moi, non, cette vie là n'est quand même pas ratée. Elle n'est peut-être pas tout à fait réussie, pas comme elle aurait pu l'être. Mais elle n'est pas pour autant ratée. Le terme "raté" a quelque chose de si définitif. Quand on dit "raté", on ne peut rien en retirer, pas une miette. Un gâteau raté est immangeable, on le jette. Une vie, on peut toujours en tirer quelque chose.

Si tu permets, je prends ton exemple. Tu es journaliste, tu es journaliste dans l'âme, comme je suis peintre/dessinatrice dans l'âme. Cependant tu ne fais pas un boulot de journaliste actuellement, tu ne gagnes pas ta vie avec ton talent. La faute à qui, à quoi, comme tu le dis si bien, les éléments sont multiples qui font que ...
Et pourtant, tu le fais quand même ce boulot là, même s'il n'est pas rémunéré, parce que tu ne peux pas faire autrement, parce que c'est en toi. Et tu nous en fait profiter dans ton jardin. Tous tes articles sont lu par un certain nombre de personnes avec grand plaisir. Il n'y a pas forcément des retours (sous forme de commentaires), mais ils sont lus.

Je reviens aussi sur la deuxième partie de ton intervention. Là je suis pleinement d'accord avec toi. Le discours volontariste, je le hais, je le vomis. Le "quand on veut, on peut", quelle horreur (c'était le discours de mes parents et qu'est-ce qu'il a pu me faire de mal dans mon enfance, on se sent une merde quand on reçoit ce genre de réflexion et qu'on se dit que non, moi je ne peux pas, donc c'est que je ne veux pas, donc c'est que je suis une merde)! Je ne sais quel psychanaliste l'avait tourné en "quand on peut, on veut". Ce qui en quelque sorte voulait dire que la volonté n'est pas une chose acquise qui peut être mise en branle par tout le monde comme ça d'une pichenette. Elle dépend de plein de choses, dont le contexte, mais aussi l'état mental à un moment bien précis et plein plein d'autres facteurs.
Ce genre de discours volontariste sert surtout à faire croire aux gens qu'ils sont les seuls responsables de ce qui leur arrive et que ne pouvant s'accuser que eux même ils ne cherchent pas à changer le reste du monde. "C'est ta faute, c'est ta faute, c'est ta très grande faute".
Même en en ayant conscience, il n'est pas facile d'échapper à cette culpabilisation à outrance. Elle nous est tellement servie et reservie par tant de gens (quand on est chômeur tiens, on est la cible privilégiée de ce genre de discours).

Ardalia: je trouve que tu es sur une bonne voie si tu essayes de ne pas te juger, de ne pas culpabiliser et si tu avances doucement. Pourquoi devrions nous avancer vite? Qui dit que c'est comme ça que nous devons faire et si nous ne faisons pas ainsi nous ne sommes pas "normaux"?

Pour prendre un autre exemple que je vis: le deuil de mon mari. J'ai entendu plein de personnes me dire: "un deuil ça dure un an et demi, deux ans". Sous entendu au bout de ce temps là, tu dois avoir "fais le deuil", sinon, tu n'es pas normale.
Ben désolée, mais moi, je ne suis pas encore arrivée au bout. J'ai dépassé le "délai" d'une année et demi déjà et je n'ai pas encore fini. Ma souffrance est encore forte, le manque de sa présence puissant, je suis encore dans un état de repli dont je n'arrive pas à sortir tout à fait.
Ca se fait, mais lentement, plus lentement que la "normale" peut-être, mais je ne me sens pas pour autant "anormale". Je mets plus de temps que la moyenne c'est tout. Si en plus, je devais culpabiliser là dessus, je ne m'en sortirais pas du tout.


UMA_qui_a_fait_presque_aussi_long_que_DB

Écrit par : Umanimo | 04/02/2009

En effet, Dominique, je ne confonds pas du tout la peur et l'absence de volonté. Je crois que la peur est un mélange d'imaginaire et de réaction au réel et que les choses se meuvent en nous en fonction de peur et désir.
Par contre, je me demande sur quels critères tu bases "raté" ou "réussi" ? D'où vient ce tribunal ? De quel droit il juge, sur quelles lois immanentes ? Cette exigence n'est-elle pas paralysante de fait ? Est-il applicable à tous ou à toi seulement ?

Quand je parle de peur, c'est aussi face au réel, dans l'acceptation de ce qu'il est aussi : violent, frustrant, dérangeant. Depuis mes trois ans, je perds l'ouïe, la vue, j'ai à peine vu la jeunesse que la vieillesse s'est abattue sur moi, avec la médiocrité qu'elle impose. Vaincre la peur, c'est passer la révolte et accepter le réel, si douloureux soit-il. La volonté, là-dedans ? On guérit en regardant la souffrance, en regardant d'où elle vient, en s'y habituant aussi. La volonté ? Celle que je connais est celle du désir qui pousse à vivre, qui est assez fort pour dépasser les peurs... Nul tribunal, nulle condamnation, nulle prison, sauf celle qui est dans ma tête, bien sûr. Oui, nous sommes maîtres de nos vies, non nous ne sommes pas coupables, ce résumé mensonger est un langage politique, non humain. Nous sommes libres, d'accepter le réel, de voir comment nous avons organisé nos échecs pour apprendre quelque chose de nous, cette blessure que nous nions en nous rebellant, fous de douleur et fous de peur... Ce n'est ni bien ni mal,c'est la vie et ses leçons, parfois douces, parfois dures.

@Uma, ah, mon Dieu le deuil ! Regarde ce qu'en dit Wiki, ça ne console pas, mais ça déculpabilise un peu...
http://fr.wikipedia.org/wiki/Deuil

Écrit par : ardalia | 05/02/2009

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